D’où vient ce réflexe d’enfermement face à toute personne jugée indésirable ?
Il y a sur tout le territoire européen, des lieux qui enferment ceux que l’on veut rendre invisibles. Et ils se multiplient. Vantés comme des outils efficaces et incontournables des politiques migratoires, ou brandis aux yeux de potentiels nouveaux venus pour les dissuader de prendre route vers l’Europe, ces lieux de contrôle et de surveillance privent de liberté et soumettent à un régime carcéral des personnes qui n’ont commis d’autre crime que de ne pas être en ordre de séjour sur le territoire européen.
Mais l’enfermement ne s’exerce pas seulement dans les centres fermés pour étrangers en situation irrégulière en Europe. Partout dans le monde, les camps de réfugiés deviennent des laboratoires où s’expérimentent des outils de surveillance de plus en plus sophistiqués au mépris de la protection des données personnelles et du respect des droits civiques et humains. Calais a connu des containers où les exilés devaient se soumettre au contrôle palmaire pour accéder à leurs lits ; en Jordanie, les réfugiés passent chaque jour leur iris au scanner pour qu’on leur délivre le lot de nourriture auquel ils ont droit.
Pour obtenir une aide humanitaire dans un camp, les réfugiés se voient obligés de renoncer aux droits de travailler, de circuler, de s’établir, de protester, d’avoir une vie privée, etc.
Plus vraiment des personnes, ils deviennent de pures données ou plutôt une population-test idéale pour des entreprises à la recherche de terrain d’expérimentation de leurs futurs produits.
Si l’on suspendait un instant la pensée selon laquelle les organisations humanitaires sont les seules capables de venir en aide aux populations qui en ont besoin, on commencerait à croire qu’elles risquent de dépouiller les réfugiés de leur liberté pour les livrer à la gestion d’entreprises privées florissant dans le domaine de la surveillance.
Enfin, ces systèmes de surveillance testés dans les enceintes des camps et des centres ne visent-ils pas, au-delà des réfugiés, les sociétés civiles ? En construisant la figure du réfugié, en le réduisant à une victime à secourir, nous, “citoyens libres”, ne sommes-nous pas en train d’oublier que nous œuvrons, par là même, à notre propre mise sous surveillance ? Pensant protéger sa liberté, celui qui enferme ne prépare-t-il pas son propre enfermement?
Fidèle à la méthodologie expérimentée pour son premier spectacle « Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu », le NIMIS Groupe initie cette nouvelle création à travers une enquête au long cours, à la rencontre de divers acteurs de l’accueil et de la rétention des personnes exilées : architectes, avocats, militants, détenus, policiers, ingénieurs, entrepreneurs, chercheurs, humanitaires recyclés dans le conseil aux grandes entreprises, membres du HCR, etc.
Cette enquête fera l’objet d’un travail d’écriture qui vise à plonger le spectateur dans la multiplicité des facettes des lieux d’enfermement des exilés.
Le NIMIS Groupe proposera au public d’assembler les pièces technologiques, humaines, économiques, poétiques et sensibles d’un puzzle dont la reconstitution ludique produira pourtant l’image d’une machine aux rouages extrêmement complexes.
Communication, innovations techniques, discours compatissant, les camps sont en effet l’objet de considérations contradictoires dont le public comprendra au fur et à mesure les enjeux.
Sur scène, pas de reproduction d’images compassionnelles d’enfant malade, au chevet duquel se penche un homme vêtu du gilet d’une grande organisation humanitaire.
Le spectacle s’appuiera essentiellement sur la parole de personnes fréquentant de près ou de loin ces dispositifs d’enfermement.
Ce sont à travers ces paroles, incarnées par les acteurs du NIMIS groupe, dont certains ont connu l’endroit et l’envers des multiples dispositifs d’aide ou de rétention pour migrants, que le spectateur se représentera ce qu’est aujourd’hui un camp, ce que les tentes et abris de fortune continuent de charrier du passé, ce que les nouvelles technologies qui s’y exercent suggèrent d’une science-fiction déjà réelle, ce que les actions menées sur d’autres, ailleurs, révèlent et présagent de l’organisation de nos vies.
Distribution
Conception : Nimis Groupe
Porteuse de projet : Anne-Sophie Sterck
Mise en scène, dramaturgie & interprétation : Jeddou Abdel Wahab, David Botbol, Pierrick De Luca, Tiguidanké Diallo Tilmant, Fatou Hane, Anne-Sophie Sterck, Sarah Testa & Anja Tillberg
Participation à l’interprétation : Florent Arsac, Nicolas Marty & Lucas Hamblenne
Co-mise en scène et dramaturgie : Yaël Steinmann
Écriture : Anne-Sophie Sterck & collective
Assistanat général : Ferdinand Despy
Création son, régie son et arrangement chant : Florent Arsac
Création lumières et direction technique : Nicolas Marty
Création scénographique : Val Macé
Création costumes : Eugénie Poste
Régie plateau : Lucas Hamblenne
Médiation culturelle : Marion Lory & collective
Avec le regard complice de : Aristide Bianchi, Jérôme de Falloise, Romain David, Élena Doratiotto, Raven Rüell & Youri Vertongen
Administration, production et diffusion : Catherine Hance, Aurélie Curti et Laetitia Noldé (Wirikuta asbl)
Une production Nimis groupe Asbl / Wirikuta Asbl
Coproduction : Arsenic2, Théâtre National Wallonie-Bruxelles, maison de la culture de Tournai / maison de création, Théâtre de Namur, Mars – Mons arts de la scène, Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, Théâtre Sorano (Toulouse), le Réel Enjeu (Théâtre Jean Vilar de Vitry-sur-Seine, Le 140 à Bruxelles, L’Ancre – Théâtre Royal à Charleroi, Théâtre de La Cité à Marseille, Théâtre des Doms à Avignon, Le Forum Jacques Prévert à Carros, Théâtre La Renaissance à Mondeville), La Coop ASBL, Shelter Prod.
Avec le soutien du taxshelter.be, ING & tax-shelter du Gouvernement fédéral belge, Zoo théâtre, Quai 41, La Bellone, Théâtre Poème 2, Théâtre Les Tanneurs, et le Brass.